L’existence de dissensions entre associés d’une société d’expertise comptable, qui rendent nécessaires des transferts de titres en vue d’un changement d’associé, ne justifient pas à elles seules des transactions à prix minoré.
Le prix de cession des parts d’une société d’expertise comptable peut être remis en cause par l’administration sur le fondement de la théorie de l’acte anormal de gestion lorsque la comparaisonavec une autre transaction, portant sur les mêmes parts et réalisée quelques jours auparavant, fait apparaître une sous-évaluation du prix de cession qui n’est justifiée par aucune contrepartie.
La cour administrative d’appel de Nantes s’est récemment prononcée en ce sens dans le cas d’une société d’expertise comptable détenue par trois associés, dont un seul avait la qualité d’expert-comptable. Ce dernier détenait dans la société une participation majoritaire de 75 parts sur un total de 100, conformément aux règles régissant, à l’époque des faits, la composition du capital des sociétés d’expertise comptable. A la suite de dissensions entre associés, une SARL détenue par les deux associés minoritaires avait procédé à l’acquisition de ces 75 parts au prix unitaire de 1 253 euros. Les parts avaient été revendues quelques jours plus tard à un autre expert-comptable au prix unitaire de 72 euros. A l’occasion d’une vérification de comptabilité, l’administration avait réintégré au résultat fiscal de la SARL l’écart résultant de la minoration du prix de cession.
La cour juge que l’acte anormal de gestion est établi dès lors que les deux conditions suivantes sont réunies :
- l’administration a correctement démontré la sous-évaluation du prix de cession des parts. Sur ce point, la cour applique au cas de la cession des parts d’une société d’expertise comptable la jurisprudence bien établie selon laquelle « la valeur vénale d’actions non cotées en bourse doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession est intervenue » (notamment CE 1-7-2010 n° 304673 : RJF 11/10 n° 995). En l’espèce, les deux transactions successives portaient sur le même nombre de parts et n’étaient espacées que d’une dizaine de jours. La cour juge en conséquence que l’administration était fondée à démontrer la sous-évaluation en comparant les deux transactions ;
- la sous-évaluation du prix de cession n’est justifiée par aucune contrepartie. Pour justifier l’opération, la SARL invoquait les règles d’exercice de la profession qui imposaient, à l’époque, qu’au moins les ¾ du capital et des droits de vote soient détenus, directement ou indirectement, par un expert-comptable. La cour relève cependant que c’est l’acquisition, par la SARL, de 75 des 100 parts de la société d’expertise comptable qui a placé cette société en infraction avec les règles régissant l’exercice de la profession. En l’absence d’élément permettant de démontrer que la SARL avait été contrainte d’acquérir ces parts, elle ne pouvait se prévaloir de l’existence d’une contrepartie justifiant la minoration du prix de cession.